Communiqué de presse : La PPL Garot : Une fausse bonne idée

📢 La PPL Garot :

Une fausse bonne idée

Les limites à notre échelle par le SRP-IMG & SIHP


🗂️ DOSSIER DE PRESSE

Maïssa Boukerrou & Marine Loty
PRÉSIDENTE SRP-IMG & PRÉSIDENTE SIHP

🚨 Ce que la loi PPL Garot prévoit

  • Limiter la liberté d’installation des médecins en dehors des zones sous-dotées.
  • Imposer une autorisation administrative délivrée par l’ARS pour exercer.
  • Rendre obligatoire la participation à la permanence des soins ambulatoires (PDSA).

⚠️ Ce que cela signifie concrètement

  • Une désertification médicale aggravée par le rejet de l’exercice libéral.
  • Des jeunes médecins découragés, moins nombreux à vouloir s’installer.
  • Une médecine de proximité affaiblie, contrôlée, bridée.
  • Une perte de confiance envers les institutions de santé.
  • Un accès aux soins inégal et menacé pour des milliers de patients.

✅ Ce que nous, SRP-IMG & SIHP, proposons

  • Améliorer les conditions d’exercice pour donner envie de s’installer.
  • Alléger la charge administrative pour libérer du temps médical.
  • Valoriser l'engagement plutôt que de punir les soignants.
  • Accompagner l’installation avec des aides concrètes, humaines et logistiques.
  • Former, soutenir, encourager les jeunes médecins dans les territoires.

La loi Garot prétend résoudre une crise en imposant des contraintes.
Nous pensons qu’on ne soigne pas une pénurie par la sanction, mais par la confiance, l’accompagnement et la reconnaissance.

 

I. Introduction

Dans le cadre de la discussion sur la proposition de loi Garot visant à réguler l’installation des médecins libéraux et à rendre obligatoire la participation à la permanence des soins ambulatoires, les représentants des internes d’Île-de-France souhaitent alerter sur les conséquences potentiellement contre-productives de ces mesures.

Le SRP-IMG (Syndicat Représentatif des Internes de Médecine Générale d’Île-de- France) et le SIHP (Syndicat des Internes des Hôpitaux de Paris, représentant les internes hors médecine générale) représentent ensemble plus de 7300 internes. Ces structures syndicales assurent la défense des droits, des conditions de formation et d’exercice de l’ensemble des internes franciliens, en lien direct avec les réalités de terrain, tant à l’hôpital qu’en médecine ambulatoire. À travers ce dossier, nous exprimons notre vive préoccupation face à une approche coercitive de l’accès aux soins, qui risque d’aggraver les déséquilibres actuels plutôt que de les résoudre. Nos syndicats, ancrés dans les réalités de la formation médicale et de l’installation des jeunes médecins, alertent sur les effets délétères d’une telle  régulation sur les vocations, l’attractivité des territoires et la liberté d’exercice.

Nous tenons à réaffirmer notre attachement à un accès équitable aux soins pour tous les patients, ainsi que notre solidarité envers nos collègues installés, souvent en première ligne face à une pénurie médicale structurelle. C’est dans cette logique que nous défendons des solutions alternatives, concrètes et éprouvées, basées sur l’incitation, l’accompagnement et l’amélioration des conditions d’exercice.

II. Le contexte

La démographie médicale actuelle ne permet pas de répondre aux besoins de santé de la population, et ce déséquilibre ne pourra être corrigé par une simple redistribution des effectifs.

• En Île-de-France, selon l’URPS Médecins IDF, 48 % des spécialistes libéraux ont plus de 60 ans, et 25 % ont plus de 65 ans. Près d’un tiers des médecins prévoient de cesser leur activité dans les cinq prochaines années. (URPS IDF – Étude démographique 2023)

• Le Conseil national de l’Ordre des médecins confirme cette tendance : la densité de médecins généralistes est en recul, et l’âge moyen des professionnels de santé continue d’augmenter. (CNOM – Atlas démographie médicale 2023)

• La DREES souligne que le nombre de médecins généralistes libéraux est en baisse constante, alors même que les besoins de soins augmentent fortement du fait du vieillissement de la population et de la prévalence croissante des maladies chroniques. (DRESS- Démographie des professionnels de santé 2023). Face à ces données, instaurer une régulation de l’installation des médecins sans accroître le nombre de professionnels formés ni améliorer leurs conditions d’exercice ne fera que déplacer la pénurie.

📌 À l’inverse, les syndicats d’internes proposent une approche fondée sur :
  • L’amélioration des conditions d’exercice (exercice coordonné, allègement administratif, valorisation du travail en équipe),
  • Un accompagnement à l’installation (guichet unique, aides logistiques et sociales),
  • La formation et l’exposition des internes aux territoires sous-dotés (stages, contrats, mobilité facilitée).

Ces leviers ont démontré leur efficacité dans plusieurs pays et sont recommandés par les travaux de la DREES, de l’IRDES ou encore du CNOM.

III. PPL Garot proposition transpartisane n° 966, déposée le jeudi 13 février 2025

1) Article 1 : L’autorisation d’installation des médecins : une fausse solution

La Proposition de Loi (PPL) Garot prévoit de restreindre la liberté d’installation des médecins en exigeant une autorisation délivrée par l’Agence Régionale de Santé (ARS). En dehors des zones sous-dotées, un médecin ne pourrait s’installer qu’en remplacement d’un confrère cessant son activité. Cette mesure, censée corriger les inégalités d’accès aux soins, risque au contraire de les aggraver en accentuant la pénurie médicale, notamment en freinant l’installation des jeunes praticiens et en rigidifiant encore davantage l’accès aux soins. Le problème n’est pas seulement une mauvaise répartition des médecins, mais une baisse globale des effectifs. Ce n’est pas en imposant une localisation qu’on compensera cette chute. D’ici 2030, près de 30 % des médecins généralistes partiront à la retraite, ce qui représente une perte plus importante que le nombre de nouveaux médecins formés sur la même période.

Les études montrent que les jeunes médecins choisissent leur lieu d’installation en fonction des conditions d’exercice et de la qualité de vie locale( CEPREMA - Premédier Aux Déserts Médicaux). Un cadre de travail favorable repose d’abord sur la qualité des conditions d’exercice : un environnement de travail structuré, des infrastructures adaptées, un exercice coordonné avec d’autres professionnels de santé et un allègement des charges administratives. La qualité de vie locale, inclue l’accès aux services publics (éducation, garde d’enfants, transports), aux logements, à la culture et aux loisirs.

Des écarts de répartition persistent, et les zones sous-dotées peinent à attirer de nouveaux praticiens malgré des conditions parfois améliorées. Une politique d’accompagnement adaptée reste donc nécessaire pour garantir un accès équitable aux soins.

Cette proposition aurait des conséquences négatives sur l’offre de soins :
  • Risque de déconventionnement : certains médecins pourraient refuser les règles imposées et exercer hors convention, creusant l’inégalité entre les patients et rendant les soins encore plus inaccessibles.
  • Rejet de l’exercice libéral : la contrainte d’installation pourrait accélérer le désengagement des médecins du secteur libéral, réduisant le nombre de consultations disponibles et donc l’accès aux soins, notamment pour les patients éloignés des structures hospitalières.
  • Baisse des vocations : imposer un lieu d’exercice dès l’installation pourrait rendre la médecine générale moins attractive.

D’autres pays ayant tenté cette régulation n’ont pas obtenu de résultats :

• Depuis les années 1990, l’Allemagne a mis en place un système de régulation des installations médicales en limitant l’accès aux zones bien dotées pour favoriser les zones sous-dotées. Toutefois, cette politique n’a pas corrigé les inégalités territoriales, déplaçant la pénurie vers les petites villes qui souffrent désormais d’un déficit médical.

• Au Royaume-Uni, des restrictions similaires, associées à des incitations financières, ont été instaurées dès les années 1970. Malgré ces efforts, les inégalités d’accès aux soins persistent, et la lourdeur administrative a contribué à une désaffection croissante pour la médecine générale.

• Aux États-Unis, un modèle basé uniquement sur des aides financières pour inciter les médecins à s’installer en zones sous-dotées a été adopté. Cette approche a permis une amélioration temporaire mais n’a pas assuré une présence médicale durable, montrant les limites des seules incitations économiques.

• L’Australie et le Canada ont combiné incitations financières et formation spécifique en médecine rurale. Les études montrent que l’exposition précoce des futurs médecins à ces territoires, par le biais de stages et de cursus spécialisés, favorise une installation durable bien plus efficacement qu’une contrainte administrative.

DRESS - Remédier aux pénuries de médecins dans certaines zones géographiques

Plutôt qu’une mesure coercitive, il faut rendre les territoires attractifs :
  • Améliorer les conditions d’exercice : réduire la charge administrative, favoriser le travail en équipe au sein des maisons de santé pluridisciplinaires, et généraliser l’accompagnement par des assistants médicaux. (IRDES – Les politiques de lutte contre la désertification médicale)
  • Faciliter l’installation : mettre en place un guichet unique pour simplifier les démarches, développer des aides au logement et à la mobilité, et améliorer l’accès aux infrastructures nécessaires à la vie professionnelle et familiale.

Les expériences internationales montrent que la coercition ne résout pas le problème des déserts médicaux et produit souvent des effets contre-productifs. Plutôt que d’imposer des restrictions qui risquent d’aggraver la situation, il est plus efficace d’inciter et de donner aux médecins les moyens et l’envie de s’installer dans les territoires qui en ont besoin.

2) Article 4 : Obligation de permanence des soins ambulatoires : une mesure punitive

L’instauration d’une obligation de permanence des soins ambulatoires (PDSA) pour tous les médecins libéraux repose sur un constat réel : la difficulté d’assurer des soins en dehors des horaires ouvrés. Cependant, cette mesure coercitive ne s’attaque pas aux causes structurelles du problème et risque d’accentuer la crise d’attractivité.
Une baisse de l’engagement qui résulte de causes structurelles Contrairement à une idée reçue, la diminution du nombre de volontaires pour la PDSA ne relève pas d’un simple désengagement des professionnels, mais résulte de facteurs structurels multiples. En 2019, seuls 38,1 % des médecins libéraux participaient à la PDSA.

L’enquête du CNOM met en lumière plusieurs raisons majeures expliquant cette érosion de l’engagement :
  • Organisation inadaptée : cahiers des charges régionaux rigides qui ne prennent pas en compte les réalités du terrain.
  • Conditions de travail et insécurité : les médecins de garde sont souvent confrontés à des risques accrus d’agression sans bénéficier de soutien logistique suffisant.
  • Charge de travail excessive : dans les zones sous-dotées, l’accumulation de patients sans médecin traitant et la fréquence des gardes épuisent les praticiens.
  • Concurrence des centres de soins non programmés : elle réduit le nombre d’actes en PDSA et limite l’attractivité du dispositif.
  • Difficultés organisationnelles : éloignement des lieux de garde, manque de moyens alloués par les ARS.
  • Absence de repos compensateur : entraîne l’enchaînement d’une journée de travail et d’une nuit de garde, risquant de supprimer les consultations du lendemain et limitant l’accès aux soins.

Cependant, le rapport du Conseil National de l’Ordre des Médecins (CNOM) souligne une amélioration progressive de la couverture des territoires en PDSA. Après une baisse de la participation observée à la suite du regain enregistré en 2020 durant la crise sanitaire, la participation des médecins à la PDSA a de nouveau augmenté en 2023, atteignant 39,34 %, contre 38,48 % en 2022. Ce progrès démontre l'efficacité des mesures d'incitation et l'engagement croissant des médecins volontaires. En 2023, 97 % des territoires étaient couverts le week-end et les jours fériés, 96 % en soirée et 27 % en nuits profondes, des chiffres en hausse par rapport à l’année précédente.

Cette tendance témoigne de la capacité d’adaptation du système actuel et montre que des efforts d’organisation et d’incitation portent leurs fruits. (CNOM)

Une convention médicale 2024-2029 qui fragilise encore la PDSA. La nouvelle convention médicale introduit des modifications qui risquent d’aggraver la situation (Ameli). La complexification administrative renforce la distinction entre soins non programmés régulés et non régulés, ajoutant une contrainte bureaucratique supplémentaire. Sur le plan financier, les majorations ne sont plus cumulables (urgence, nuit, déplacement) et les forfaits d’astreinte restent insuffisants, avec un minimum de 15€/h. L’augmentation prévue de 6,50 € pour les consultations de garde à partir de 2026 ne compense pas les contraintes horaires et organisationnelles imposées aux médecins.

En conséquence, ces nouvelles règles risquent d’accentuer le désengagement des praticiens et d’aggraver la pénurie de volontaires pour la PDSA.
Un risque accru de désertification médicale: L’enquête de l’Union Régionale des Professionnels de Santé (URPS) d’Île-de-France
révèle que 44 % des médecins libéraux sont en situation de risque d'épuisement professionnel (URPS). Dans ce contexte, l’imposition d’une garde obligatoire pourrait fragiliser encore plus l’attractivité de la médecine libérale et précipiter le départ de nombreux praticiens. Des alternatives plus efficaces Plutôt que d’imposer une obligation inefficace et contre-productive, il est nécessaire de s’attaquer aux causes réelles du manque de volontaires en PDSA.

Améliorer les conditions d’exercice est une priorité
Renforcer la sécurité des médecins de garde
Simplifier les dispositifs administratifs
• Instaurer un repos compensateur après les gardes
Revaloriser la rémunération en augmentant les forfaits d’astreinte et les majorations d’actes, tout en permettant leur cumul pour mieux refléter les contraintes horaires.

En conclusion, l’obligation de PDSA ne résoudra pas la crise de la démographie médicale et risque d’accentuer la désertion des soins primaires libéraux. Plutôt que de contraindre, il est impératif de valoriser et d’inciter à la participation, en améliorant les conditions d’exercice et en rendant la permanence des soins plus attractive.

IV.En bref

PPL Garot et ses limites

Article 1 (v. fév. 2025) : autorisation d’installation des médecins :

  • Risque de déconventionnement
  • Rejet de l’exercice libéral
  • Baisse des vocations

Article 4 (v. fév. 2025) : obligation de permanence des soins ambulatoires :

  • Organisation inadaptée avec cahier des charges rigides
  • Charge de travail excessive
  • Risque accru de désertification médicale
Nos propositions

Article 1 (v. fév. 2025) :

  • Améliorer les conditions d’exercice en réduisant la charge administrative et favoriser le travail d’équipe
  • Faciliter l’installation avec un guichet unique, des aides au logement, un accès aux infrastructures

Article 4 (v. fév. 2025) :

  • Améliorer les conditions d’exercice
  • Renforcer la sécurité des médecins de garde
  • Simplifier les dispositifs administratifs
  • Instaurer un repos compensateur
  • Revaloriser la rémunération

V. En conclusion

La proposition de loi Garot, bien que portée par l’objectif légitime d’améliorer l’accès aux soins, repose sur des mesures coercitives qui risquent d’affaiblir encore davantage l’exercice libéral et de décourager l’installation des jeunes médecins. Restreindre la liberté d’installation et imposer une obligation de permanence des soins ne répond pas aux véritables enjeux de la démographie médicale et pourrait au contraire accentuer la désaffection pour la médecine libérale.
L’expérience montre que la coercition ne permet pas de remédier durablement aux inégalités territoriales d’accès aux soins. À l’inverse, des politiques incitatives, associées à une amélioration des conditions d’exercice, ont démontré une efficacité
bien plus prometteuse. Garantir la liberté d’installation et favoriser un engagement volontaire en permanence des soins sont des leviers essentiels pour assurer un maillage territorial équilibré et pérenne.
Face aux défis actuels, il est urgent de repenser la politique de répartition des médecins en s’appuyant sur des solutions durables et réalistes, plutôt que sur des mesures punitives qui risquent d’aggraver la crise de la médecine libérale.
Une coopération entre les pouvoirs publics, les collectivités et les professionnels de santé est indispensable pour bâtir un modèle médical qui réponde réellement aux besoins des patients sans compromettre l’attractivité du métier.

Pour marque-pages : Permaliens.

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