Le Samedi 17 Avril 2021, vous vous êtes mobilisés avec nous aux côtés des familles endeuillées pour rendre hommage aux 5 internes qui se sont donné la mort depuis le 1e Janvier 2021.
C'était également l'occasion de rappeler les conditions difficiles dans lesquelles les internes travaillent :
- Épuisement professionnel : un interne en médecine travaille en moyenne 58h par semaine, plus de 70h en chirurgie et réalise souvent deux à trois gardes de 24h par semaine.
- Harcèlement, violences et omerta : chaque semaine, l’ISNI accompagne des internes victimes de violences et de harcèlement, moral ou sexuel. Ces actes sont protégés par une omerta entretenue par le cumul des pouvoirs de la hiérarchie hospitalière et universitaire qui possède un contrôle total sur l’avenir professionnel des jeunes médecins. Les changements de villes sont presque impossibles. Les victimes sont donc enfermées plusieurs années avec leurs agresseurs sans possibilité de recours et avec l’angoisse des représailles.
Le dossier de presse de l'ISNI dans le cadre de la campagne #ProtegeTonInterne rappelle les chiffres étourdissants concernant la santé mentale des internes :
Dossier de presse #ProtegeTonInterne – cliquez sur l’image pour le télécharger
Nos revendications sont encore et toujours les mêmes : l'application stricte de la loi, la mise en place d'un décompte horaire, et la fin de l'impunité pour les délits et crimes du quotidien.
Si vous êtes dans une situation difficile, si vous sentez que ça ne va pas, que vous êtes en épuisement ou que vous avez des idées noires, parlez-en. N'hésitez pas à venir nous en parler, ou à recourir aux différents dispositifs et ressources à disposition (dispositifs d'écoute, consultations de psychiatrie ou psychologie...) que vous pouvez retrouver sur la page dédiée : Burn-Out – SRP-IMG (srp-img.com)
Pour finir, écoutez le message poignant d'une interne adressé à nous tous, et aux instances gouvernementales
A tous les internes au cœur vaillant, par Eléonore d’AUBIGNY
Cher co-interne de France
Nous voulons faire mémoire de chaque jour, où tu te lèves pour aller te donner dans le service des malades. Apprendre à les soigner. Apprendre à les guérir, souvent. Apprendre à leur parler, à soutenir leur regard, à les apaiser, à les accompagner.
Depuis tes 18 ans, tu te prépares à accueillir dans ton quotidien ces visages inquiets, ces visages qui espèrent, ces visages qui ont besoin de toi, ne fut-ce qu'un instant, ne fût ce que pour un regard, un peu de considération ou d'écoute.
Depuis tes dix-huit ans, tu as donné ta vie pour ces visages, a force de travail acharné, du bachotage mécanique et désincarné des QCM auxquels tu t'es plié, a l'occasion de deux immenses concours, parce que d'autres ont décidé que la médecine s'apprendrait en cochant des cases sur une tablette électronique.
Toi qui, même après six ans d'études et deux concours, te plies toujours plus aux contraintes administratives écrasantes
Toi qui trop souvent, acceptes d'être envoyé à l'autre bout de ta région parce que tu as été affecté à un stage que tu n'as pas vraiment choisi.
Toi qui te donnes de tout ton cœur, de tout ton temps, de toute ton énergie, avec parfois si peu de considération en retour.
Tu as un si grand désir de servir. Un si grand désir de te donner pour les autres. Un si grand désir d'être utile aux autres que parfois tu t'oublies, que tu as mis tes priorités, ton sommeil, tes loisirs, ton sport, au placard. Tu t'oublies au point de ne plus te rendre compte que l'angoisse et la pression sont devenues ton quotidien, comme si elles faisaient partie intégrante de ton métier, comme si c'était normal de serrer les dents au point que parfois tu te brises malgré toi.
Nous sommes là pour faire mémoire de 5 internes suicidés, mais aussi pour tous ceux qui aujourd'hui, y pensent dans le secret sans oser en parler, sans savoir à qui s'adresser. Tous les autres qui se sentent brisés de l'intérieur par une pression qu'ils ne peuvent pas gérer, tous ceux qui ne voient plus le sens de ce qu'ils font, tous ceux qui sont épuisés, tous ceux qui ont arrêté, tous ceux qui n'en peuvent plus, et tous ceux qui croient malgré tout en ce qu'ils font et pourquoi ils le font.
A tous les internes qui se battent pour défendre leurs rêves et leurs droits, y compris ceux qui les aident à se battre.
Nous sommes là très gravement pour lancer un appel solennel à nos politiciens : nous ne sommes pas les consommables de votre système. Nous ne sommes pas les consommables d'une machine qui nous écrase et jette les plus faibles. Nous donnons beaucoup de nous-mêmes, trop de nous-mêmes, et nous vous le disons : cela suffit. Le système de santé hospitalier s'écroule. Nous nous écroulons. Nous vous demandons de prendre les moyens, de nous donner les moyens concrets pour sauvegarder et améliorer drastiquement notre état d'interne en médecine, le système hospitalier, la condition et le droit des médecins. Faute de quoi, nous tomberons tôt ou tard, les uns après les autres, diplômés ou non. Nous tomberons d'avoir trop pris sur nous, de nous être tus, d'avoir essuyé la casse.
La vocation de médecin n'est pas un prétexte à l'impunité de l'abus du droit des internes ni à l'abus de la charge de travail. La vocation de médecin n'est pas un prétexte pour pouvoir tout endurer. Nous n'avons pas fait médecine pour être envoyé à l'abattoir.
Nous sommes là pour porter la voix de ceux qui ne sont plus là, de ceux qui n'ont pas su appeler au secours, de ceux qui se taisent douloureusement mais qui crient au fond d'eux-mêmes.